Retour sur la série de Canal+ « La Fièvre »
Les coulisses de la com de crise
Après une première saison qui a fait couler beaucoup d’encre tout au long des 6 épisodes, de nombreux communicants ont réagi au sujet de la série de Canal+ « La Fièvre ».
Il y avait évidemment beaucoup d’attente autour d’une nouvelle histoire du maître Eric Benzekri, surtout après le carton de Baron Noir, dont la force principale (outre les acteurs comme Kad Merad, Anna Mouglalis, Rachida Brakni ou Niels Arestrup) était que les anecdotes et situations étaient souvent tirées de l’histoire politique récente, rendant le résultat particulièrement réaliste. Ici, le nouveau défi était donc de dépeindre le monde des communicants de crise, qui reste mal connu du grand public et charrie son lot de fantasmes.
Dans un contexte d’actualité avec la polarisation de l’opinion publique et la pression des réseaux sociaux, la promesse s’avérait plus que palpitante. Intéressante sur le fond, notamment avec le choix du football comme fenêtre d’observation d’une société française fragilisée, avec tout le lot de clichés que peut susciter ce sport. Avec également des petites réflexions sur les outils du métier et l’héritage de Jacques Pilhan : la maîtrise du timing, la remise en question des études quali, la mise en scène de réflexes méthodologiques en cas d’alerte et surtout la mise en avant d’un principe primordial : la confiance nécessaire dans la relation entre les communicants et leurs clients.
Mention spéciale à la promotion du modèle coopératif et au petit cours d’histoire contemporaine sur la Démocratie corinthiane de Socrates (à noter l’excellent épisode d’Affaires sensibles de France Inter sur le sujet).
Les connaisseurs et les observateurs les plus fins auront remarqué le malicieux placement produit de Visibrain tout au long de la série. Ce qui montre aussi que le showrunner de la série s’est fait accompagné par des consultants experts en com de crise. D’ailleurs, Judith Chetrit dans son article pour POLITICO, soulignait justement que les communicants (dont certains étaient déjà mis en avant dans le documentaire « Jeu d’influences, les stratèges de la communication : Les crises » de Luc Hermann) ayant participé à la série étaient remerciés dans le générique.
La Fièvre n’est donc pas un hommage au tube de NTM en 1995, mais plutôt un Scandal à la française, plus convaincant et moins grandiloquent que son homologue américain, et surtout moins caricatural que la série « Les Hommes de l’ombre » de Dan Franck. Ces 2 autres séries nourrissant le fantasme de consultants de l’ombre prêts à tout pour « étouffer les scandales », alors que l’on sait depuis plusieurs années que c’est précisément la stratégie qui ne fonctionne pas.
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Par Vincent Prevost, directeur d’Opinion Valley